Ni mémoires, ni autobiographie: même sollicité, Lucien Guérinel se dérobe derrière son oeuvre. Non qu'il veuille nous confier quelque intention sidérante mais, au contraire, humblement, il va nous rappeler quelles peuvent être les fascinations et aussi les inhibitions d'un autodidacte, les rencontres et les amitiés, surtout, qui ont conforté sa vocation de compositeur et de poète. De Beethoven à Bartok, s'assimilant voracement tout le répertoire, il tinta en fournir l'écho métamorphose dans notre présent erratique. Bien qu'ayant toujours vécu hors les castes de l'avant-gardisme, Lucien Guérinel contemple aujourd'hui une oeuvre riche de plus de cent pièces, brèves pour la plupart, denses mais lyriques, reflets d'une insatiable curiosité en direction de la photographie, du cinéma, de la peinture, de la poésie. Production rare et hautaine: pièces vocales, quatuors... peu d'orchestre mais tout de même des musiques de scène et une comédie (sans y changer un mot: le Molière du Mariage forcé!). Il était nécessaire que ce créateur hors normes s'exprimât aujourd'hui avec la hauteur de vue qui est la sienne, sa morale ouverte, ses distances tant esthétiques que politiques: exemple météorique d'un solitaire qui ne lâche pas.Jean Roy et Marcel Marnat / Livre