Par HUREL PHILIPPE. Cette oeuvre s'inscrit dans un groupe de pièces concertantes - les 4 variations pour percussion et ensemble (2000), Aura pour piano et orchestre ou ensemble (2002-2006), Phonus pour flûte et orchestre (2004).
Dans ces différentes pièces, l'instrument soliste y est toujours traité comme faisant partie intégrante du groupe qui l'entoure, soit comme partie du 'concertino' avec les percussions de l'ensemble et le piano dans les 4 variations influencées par le concerto grosso, soit comme un corps sonore indissociable de son enveloppe orchestrale dans Aura, soit comme un instrument traité en temps réel grâce au deux flûtes de l'orchestre dans Phonus.
Dans Phasis, c'est la métaphore acoustique du déphasage qui m'a guidé. La pièce étant composée avec un matériau reconnaissable - une enveloppe périodique variée sans cesse - les écritures décalées des différentes parties de l'ensemble par rapport au soliste, ou les unes par rapport aux autres sont comme des 'retards de phase' entre des ondes, entre des signaux sonores.
A cela s'ajoute la perception des états successifs de mêmes 'situations musicales' sous un aspect différent, à l'instar des apparences des planètes qui se présentent à nos regards pendant la durée de leur révolution. Ici le titre de Phasis prend encore un autre sens, son sens étymologique qui fait référence à chacun des aspects successifs d'un même phénomène.
Ainsi, les mêmes matériaux sont variés sans cesse et de façon récurrente : l'enveloppe mélodique dont j'ai déjà parlé - qui sert aussi à construire les parcours harmoniques du mouvement le plus lent - ainsi que les quelques multiphoniques de saxophone, analysés par ordinateur et resynthétisés par l'ensemble en différents endroits de la pièce, qui servent de bornes perceptives pour organiser la forme de l'oeuvre.
Au-delà des métaphores acoustiques et phénoménologiques, ce que je cherchais ici avant tout, c'est la création d'une matière nerveuse, rythmique - mais sans pulsation directement perceptible -, ainsi qu'une ambiguïté entre la perception horizontale des lignes et celle, verticale, du timbre, ambiguïté qui fut longtemps au centre de mes principales préoccupations.
La pièce est surtout marquée par le déploiement énergétique et, malgré les contraintes mises en oeuvre, elle est un espace de jubilation et de liberté réappropriée pas à pas.
Phasis est dédiée à Johannes Ernst.
Philippe Hurel / contemporain / Répertoire / Saxophone Ténor ou Soprano et Ensemble