Par DUFOURT HUGUES. Il n'y a pas d'équivalent français au mot uneasiness. Faute de mieux on le rend improprement par 'inquiétude' ou 'intranquillité'. Uneasiness traduit un état de malaise et d'inconfort, un état d'âme désordonné, toujours privatif, qui accompagne la frustration, la dépossession, la tristesse, le désespoir, la honte. Uneasiness désigne aussi le tourment de l'absence et l'urgence du manque. C'est une 'passion incommode', à la frontière du désir et de l'espoir différé. John Locke expose ce genre de douleur au chapitre XX du deuxième livre de L'Essai sur l'entendement humain - An Essay Concerning Human Understanding - de 1689.
Ce second quatuor, dont j'emprunte le titre à Locke, est animé de la plus pressante des inquiétudes. Ses caractères sont l'extrême agitation, l'instabilité des sentiments, le poison moral, une fermentation de sollicitations imperceptibles. Il gravite autour des soliloques de l'Alto, qui sont autant d'imprécations qui ne s'adressent à personne. C'est en intensifiant le matériau que la musique plonge dans ces arides ténèbres. Elle fréquente les registres extrêmes et explore les combinaisons multiples d'harmoniques artificiels. Tous les éléments musicaux sont soumis au principe de l'altération. Car celle-ci fait germer des dispositions nouvelles au rythme d'une périodicité interne qui est toujours en évolution.
La pièce est dédiée au Quatuor Arditti.
Hugues Dufourt / contemporain / Répertoire / Quatuor à Cordes