Par PESSON GERARD. Le sténopé est l'appareil photographique le plus élémentaire. Une boîte bien fermée, faisant office de camera oscura, un trou d'épingle pour laisser passer la lumière. L'image inversée du réel, du fait de l'absence de focalisation, se déposera sur le papier photosensible, reproduisant ainsi le système même de la vue. La petitesse d'entrée de la lumière permet une profondeur de champ presque infinie. Elle nécessite, ou plutôt autorise, des temps de pose très longs. Non des centièmes de seconde, mais des minutes, des heures, des semaines, voire des années.
Ce temps de pose extrême, l'épingle de la lumière, sont une écriture du temps. Ils parlent de l'invention. Ils sont le sujet de cette musique à laquelle je songe depuis presque dix ans - temps minimum si l'on veut encourager les bougés et être bien sûr que les figures se déposeront toutes sur le bitume de judée. Ainsi toute 'impression' pourra muter vers sa complication. Selon la loi optique, dehors devient dedans, mais à l'envers. La musique glisse vers une sérénade accélérée, indéfiniment reprise, secouée par un traitement 'brutaliste', lancée à marches forcées à travers le panorama, révélée enfin sur des nudités de cantilène qui dessinent le point de fuite de ce galop.
La lenteur de la 'chercherie', comme dit Philippe Beck, fait que le chercheur est lui-même cherché. Il devient à son tour photosensible et se voit contraint, sans orgueil, mais non sans présomption, de s'appliquer le principe connu: Chevauchée bien ordonnée commence par soi-même. / contemporain / Répertoire / Quatuor à Cordes