Contenu: En me commandant cette oeuvre, Soleil de proie, Paola Biondi et Debora Brunialti m'ont permis de m'intéresser à un genre musical considéré longtemps comme mineur, le duo pianistique, mais dont la reconnaissance s'effectue peu à peu. Ce genre n'aura pris conscience de lui-même qu'au cours du XXe siècle avec Debussy, Ravel, Rachmaninov, Stravinsky, Scriabine, Lutoslawsky, Kurtag, Ligeti, Berio pour s'affirmer en tant que tel. Trouver une écriture intégrant le phénomène acoustique original propre à cette association, qui n'est pas un dédoublement de pianos, et possède une rare puissance de par son caractère non additif mais exponentiel, m'a conduit vers un langage harmonique ne pouvant se justifier que par l'originalité des contraintes et des possibilités de la matière produite par cet effectif. Même si, à l'origine, la logique harmonique de Soleil de proie s'est située dans le prolongement de L'Origine du monde et de Meeresstille, une spécificité s'en est dégagée. Aussi, l'incroyable précision de jeu de Paola Biondi et de Debora Brunialti m'a-t-elle permis de déployer un art poétique à partir de polyphonies ciselées, d'attaques de son et de timbres particuliers.
Le titre correspond au premier vers du poème intitulé Joan Miro de Paul Eluard (extrait de Capitale de la douleur). A lui seul ce vers commente le poème dans son ensemble et forme un portrait du peintre, son ami, porteur d'évocations en rapport avec l'immensité, le désert, l'écrasement, les formes d'attente.
A la différence de la plupart de mes compositions commentant des oeuvres picturales, longuement mûries (c'est à l'âge de 24 ans par exemple que j'ai conçu le projet de Les Chasseurs dans la neige, une oeuvre éditée en 2001), l'écriture de Soleil de proie s'est effectuée comme un instantané, un condensé musical d'une première impression. Ainsi une autre thématique que celle du peintre Joan Miro, liée à un récent voyage, s'est imposée dans mon travail : la Sicile.
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